20 Novembre 2014

A-t-on réussi à forer le noyau de la comète ?

Les responsables scientifiques de SD2, le sous-système mécanique de Philae en charge du prélèvement d’échantillons sous la surface et de leur distribution à différents instruments pour analyses, annoncent que, pour l’heure, ils ne savent pas encore si la foreuse a atteint le sol et si un échantillon a été prélevé.

Après l’arrivée mouvementée de Philae et son arrêt dans une position très peu favorable, 2 pieds en contact avec le sol et le 3e dans le vide, les responsables scientifiques de l’atterrisseur et des 10 instruments ont été contraints de redéfinir intégralement avec l’aide du SONC (CNES Toulouse) et du LCC (Cologne, Allemagne) les séquences d’activations des instruments qui avaient été préparées avant le largage.

La stabilité de l’atterrisseur étant inconnue, il était prudent de repousser les forages à la fin de la 1ere séquence scientifique, une fois que tous les autres instruments auraient fonctionné et transmis leurs données. Le risque de déplacer Philae en appuyant sur le sol avec la foreuse de SD2 et de perdre le contact avec Rosetta étant présent à l’esprit de chacun.

D’autant plus qu’un dernier mouvement du corps de Philae était programmé juste après pour favoriser l’éclairement de certains de ses panneaux solaires dans les mois à venir.

Risque calculé

Le jeudi 13 novembre au soir, la décision a donc été prise d’utiliser SD2 le lendemain et la séquence a été programmée et téléchargée dans Philae par le biais de Rosetta.

La foreuse devait se déplacer de 560 mm par rapport à son point de référence, collecter un échantillon, revenir à son point de départ et déposer sa collecte dans le four en forme de godet permettant à COSAC de l’analyser. COSAC, dont le principal investigateur est Fred Goesmann (MPS, Allemagne), est équipé d’un chromatographe en phase gazeuse et d’un spectromètre de masse destinés à l’identification et la quantification des composés cométaires volatils, incluant les molécules organiques complexes, présentes dans les échantillons prélevés en surface et chauffés jusqu’à 600° dans les fours à usage unique (26 fours sont disponibles sur le carrousel de la foreuse).

Amelia Finzi (Politecnico di Milano, Italie), principale investigatrice de SD2, vient de préciser dans un communiqué de l’agence spatiale italienne (ASI) que les données télémétriques récupérées le vendredi 14 novembre ont montré que la foreuse avait bien effectué l’ensemble de la manœuvre. Malheureusement, aucun capteur sur SD2 ne permet de savoir si la foreuse a réellement atteint la surface, si un échantillon a été prélevé ou, si cela a bien été le cas, si cet échantillon a pu être transféré correctement dans le godet à destination de COSAC.

Résultat encore incertain

L’équipe scientifique de SD2 espère cependant pouvoir répondre à la question de savoir si la foreuse a réellement touché le sol en utilisant les données fournies par d’autres instruments.

ROLIS, notamment, a obtenu 2 images du sol situé dans la zone de forage de SD2 à l’aplomb de Philae, l’une avant la tentative de forage et l’autre après que le corps de Philae se soit soulevé de 4 cm et ait effectué une rotation de 35° pour favoriser l’illumination des panneaux solaires dans les mois à venir. L’étude des 2 images de ROLIS devrait montrer si le forage a atteint le sol et a laissé une trace lors de son prélèvement.

Pourtant, même si le forage s’est bien déroulé, cela ne garantit pas que l’échantillon soit bien arrivé jusqu’à COSAC. Le doute subsiste car il n’était pas prévu que le microscope CIVA-M réalise une image du godet et les 1eres analyses des données reçues de COSAC ne permettent pas de savoir s’il contenait vraiment quelque chose. Amelia Finzi conclut : « Pour le moment, l’analyse des données ne nous permet pas de choisir entre l’absence d’échantillon ou une génération insuffisante de gaz par celui-ci. Une image de CIVA-M aurait été nécessaire pour trancher, mais nous n’en disposons pas pour ce prélèvement. »

Des molécules organiques complexes

Quoi qu’il en soit, COSAC a déjà donné des résultats puisque, d’après Fred Goesmann, les spectres réalisés sur les gaz collectés, ou « reniflés », après le 1er contact avec la surface ont permis de détecter des molécules organiques complexes avec au moins 3 atomes de carbone, mais les scientifiques poursuivent leurs analyses et ne précisent pas encore lesquelles.

Par ailleurs, l’équipe de PTOLEMY, dont le britannique Ian Wright (Open University, Milton Keynes, Angleterre) est le principal investigateur, signale que cet instrument a également collecté des échantillons de gaz et que ses résultats sont en cours d’étude. 

 

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta sera la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.