24 Mars 2004

De la glace d'eau sur Mars !

24 mars 2004 Premiers résultats de l'expérience OMEGA Publiés dans Nature le 18 mars 2004 En orbite depuis décembre 2003, la sonde européenne Mars Express livre progressivement ses premiers résultats. En particulier, l’instrument français OMEGA a détecté de la glace d’eau au Pôle Sud de la planète rouge. Une information qui avait déjà été soupçonnée par la sonde américaine Mars Global Surveyor, mais qui n’avait jamais été détectée de manière directe.

OMEGA : la minéralogie de Mars en détail

L’instrument OMEGA est un spectromètre de cartographie, principalement destiné à analyser la minéralogie de la surface de Mars. Fonctionnant dans le visible et le proche infrarouge, il permet de déterminer la composition des constituants de la zone étudiée par l’analyse de la lumière reçue. Cette technique est appelée l’imagerie spectrale.

Avec une résolution allant jusqu’à quelques centaines de mètres à peine, il peut ainsi faire la distinction entre les divers minéraux de la surface, mais également de l’atmosphère : les roches (silicates, oxydes, minéraux hydratés, roches sédimentaires), les glaces et les givres, les aérosols. Chaque minéral est caractéristique d’un processus d’évolution particulier (tectonique, volcanisme, altération par l’eau, sédimentation etc.) En les détectant, les scientifiques espèrent ainsi reconstituer l’évolution de la planète.

Quand, et pourquoi, les chemins d’évolution de la Terre et de Mars se sont-ils écartés ? Est-ce que Mars, comme la Terre, a abrité des formes de vie ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles OMEGA devrait apporter des éléments de réponse.
L'expérience Oméga
Observatoire pour la Minéralogie, l’Eau, la Glace et l’Activité

Spectro-imageur dans le visible et l’infrarouge (0,35 – 5,1 µm)
Résolution au sol : 350 m à 10 km, en fonction de l’altitude.
Objectif : cartographier les principaux constituants de la surface et de l'atmosphère martienne
Oméga est sous la responsabilité de Jean-Pierre Bibring de l’Institut d’Astrophysique Spatiale / CNRS à Orsay ; il a été développé par l’IAS en coopération avec le Lésia de l’observatoire de Meudon sous maîtrise d’ouvrage du CNES.

Premières observations et résultats

OMEGA a observé le pôle Sud de Mars entre le 18 janvier et le 11 février, depuis des altitudes de 1 500 à 2 000 km, avec une résolution au sol de 2 km. Les observations ont eu lieu à la fin de l’été dans l’hémisphère Sud. A cette époque de l’année martienne, la calotte polaire est à son minimum d'extension.

Pour la première fois, OMEGA a effectué des images des vastes banquises permanentes, majoritairement constituées de glace carbonique, et montré ainsi qu'on y trouve également de la glace d’eau (H2O).
Cette glace d’eau (en bleu sur la carte de droite) a été détectée à la lisière des « icebergs carboniques » et également sur des îlots isolés de plusieurs dizaines de kilomètres. La calotte claire n’est cependant pas constituée uniquement de glace carbonique, les analyses révélant une teneur d’environ 15 % de glace d’eau.
Grâce à l’imagerie spectrale, OMEGA permet également d’interpréter des images obtenues dans le visible : par exemple, la composition minéralogique des « bras » sombres qui découpent la calotte claire du pôle Sud n’était jusqu’à présent pas connue. OMEGA a révélé une information importante : les parties les plus sombres sont constituées de couches de poussières, alors que les zones intermédiaires plus claires correspondent à la glace d’eau.

Figure 2 : Transition entre la glace carbonique (CO2) et la glace d’eau (H20).
(a) Image obtenue par la caméra de Mars Global Surveyor MOC (NASA/JPL/MSSS) mettant en évidence la zone polaire brillante.
(b) Carte de la même région donnant l’abondance de la glace d’eau identifiée par OMEGA
(c) Même région pour la glace de CO2.

(d) Agrandissement du rectangle rouge visible en a, b et c.
Trois types de terrain allant de la glace claire (g) jusqu’aux couches stratifiées sombres (e). Les cartes d’abondance d’OMEGA indiquent la composition de chaque zone : de la glace principalement constituée de CO2 pour la zone claire (g), une région dépourvue de glace d’eau pour les zones stratifiées (e), et une région riche en glace d’eau entre les 2 (f).

Les structures polygonales sont caractéristiques de la glace d’eau. Ces structures peuvent également être observées dans la zone de transition, à travers une fine couche de glace de CO2. Crédits : ESA/IAS
Les structures polygonales sont caractéristiques de la glace d’eau. Ces structures peuvent également être observées dans la zone de transition, à travers une fine couche de glace de CO2. Crédits : ESA/IAS

C’est particulièrement dans ces régions intermédiaires, entre les strates de poussière et la glace carbonique brillante, que l’on trouve les éléments révélés par Mars Global Surveyor en 2003 : des structures polygonales, qui résulteraient de mécanismes de rétraction sous l’effet de la température, caractéristiques de la glace d’eau. Ces mêmes structures sont également parfois visibles sous une fine couche de glace carbonique de seulement quelques mètres d’épaisseur.

La découverte d’eau glacée à la surface de la planète rouge est un résultat important pour les scientifiques, mais qui n’est qu’une première étape. En observant directement la glace, mais également la vapeur et l’eau piégée dans les roches, OMEGA devrait permettre une évaluation du volume global de l’eau disponible actuellement à la surface de Mars.

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