22 Janvier 2015

La comète 67P/Churyumov-Gerasimenko sous l’œil de Rosetta

Près de 6 mois après l’arrivée de Rosetta à proximité du noyau de la comète 67P, la revue Science publie dans son numéro daté du 23 janvier 2015 une série de 7 articles qui permettent de dresser un 1er bilan de l’exploration de ce petit corps du Système solaire.

De forme surprenante, en 2 lobes, et de forte porosité, le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko révèle une large gamme de caractéristiques grâce aux instruments MIRO, VIRTIS et OSIRIS de la mission Rosetta (ESA), à laquelle participent notamment des chercheurs du CNRS, de l’Observatoire de Paris et de plusieurs universités, avec le soutien du CNES.

Au nombre de 7, les articles publiés le 23 janvier 2015 dans la revue Science montrent également que la comète est riche en matériaux organiques et que les structures géologiques observées en surface résultent principalement de phénomènes d’érosion. L’instrument RPC-ICA a quant à lui retracé l’évolution de la magnétosphère de la comète, alors que l’instrument ROSINA cherche les témoins de la naissance du Système solaire. Voici un rapide tour d’horizon des éléments présentés dans Science et sur lesquels nous reviendrons de façon plus approfondie dans les prochains billets de ce blog.

Gros plan sur le noyau

Les images de la comète 67P prises par la caméra OSIRIS montrent une forme globale composée de 2 lobes de dimensions inégales séparés par un « cou » dont l’origine demeure inexpliquée à ce jour. La surface, de composition globalement homogène, présente une grande diversité de structures géologiques qui résultent de phénomènes d’érosion, d’effondrement et de re-déposition. L’activité de la comète se concentre actuellement dans la région du cou.

L’ensemble des images a permis de réaliser un modèle du noyau en 3 dimensions, ainsi que la topographie détaillée du site original d’atterrissage de Philae. Combiné avec la mesure de la masse, ce modèle a donné la 1ere détermination directe de la densité d’un noyau cométaire qui implique une très forte porosité. Les dimensions du petit lobe sont de 2,6 x 2,3 x 1,8 km et celles du grand lobe de 4,1 x 3,3 x 1,8 km. Le volume total du noyau est de 21,4 km3 environ, sa masse de 10 milliards de tonnes et sa densité de 470 kg/m3. Ce modèle fournit également le contexte cartographique pour l’interprétation des résultats des autres expériences.

Propriétés de surface

Avec l’instrument MIRO, les chercheurs ont établi une carte de la température de la proche sous surface de 67P. Celle-ci montre des variations saisonnières et diurnes de température qui laissent supposer que la surface est faiblement conductrice thermiquement en raison d’une structure poreuse et peu dense. Les chercheurs ont également effectué des mesures du taux de production d’eau de la comète : il était de 0,3 L/sec début juin et de 1,2 L/sec fin août. Celui-ci varie au cours de la rotation du noyau, l’eau dégagée par la comète étant localisée dans la zone de son cou.

Riche en matériaux organiques

VIRTIS a fourni les 1eres détections de matériaux organiques sur un noyau cométaire. Ses mesures de spectroscopie indiquent la présence de divers matériaux contenant des liaisons carbone-hydrogène et/ou oxygène-hydrogène, la liaison azote-hydrogène n’étant pas détectée à l’heure actuelle. Ces espèces sont associées avec des minéraux opaques et sombres tels que des sulfures de fer (pyrrhotite ou troïlite). Par ailleurs, ces mesures indiquent qu’aucune zone riche en glace de taille supérieure à une vingtaine de mètres n’est observée dans les régions illuminées par le Soleil, ce qui indique une forte déshydratation des 1ers cm de la surface.

Naissance de la magnétosphère

En utilisant l’instrument RPC-ICA (Ion Composition Analyser), les chercheurs ont retracé l’évolution des ions aqueux, depuis les 1eres détections jusqu’au moment où l’atmosphère cométaire a commencé à stopper le vent solaire (aux alentours de 3,3 unités astronomiques, soit près de 495 millions de km). Ils ont ainsi enregistré la configuration spatiale de l’interaction précoce entre le vent solaire et la fine atmosphère cométaire, à l’origine de la formation de la magnétosphère de 67P.

Témoin de la naissance du Système solaire formées il y a environ 4,5 milliards d’années et restées congelées depuis, les comètes conservent les traces de la matière primitive du Système solaire. La composition de leur noyau et de leur coma donne donc des indices sur les conditions physicochimiques du Système solaire primitif. L’instrument ROSINA a mesuré la composition de la coma de 67P en suivant la rotation de la comète ; la coma, ou chevelure, est une sorte d’atmosphère assez dense entourant le noyau, elle est composée d’un mélange de poussières et de molécules de gaz. Ces résultats indiquent de grandes fluctuations de la composition de la coma hétérogène et une relation coma-noyau complexe où les variations saisonnières pourraient être induites par des différences de températures existant juste sous la surface de la comète.

Poussières

Le détecteur de poussière GIADA a déjà récolté une moisson de données (taille, vitesse, direction du déplacement, composition) sur les petites poussières – de 0,1 à quelques millimètres – émises directement par le noyau. En complément, les images d’OSIRIS ont permis de détecter des poussières plus grosses en orbite autour du noyau, probablement émises lors du précédent passage de la comète à proximité du Soleil.

De nombreux laboratoires français sont impliqués dans ces études :
Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/ Aix-Marseille Université) - Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (CNRS/Observatoire de Paris/UPMC/Université Paris Diderot) - Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (CNRS/UPMC/UVSQ) - Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) - Laboratoire de physique et de chimie de l’environnement et de l’espace (CNRS/Université d’Orléans) - Institut de planétologie et astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Joseph Fourier) - Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (CNRS/Observatoire de Paris/UPMC/ENS/Université de Cergy-Pontoise) - Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Sud) Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS/Université de Lorraine).

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.