14 Novembre 2014

Décryptage du premier panorama de CIVA

Après les péripéties de l’atterrissage, CIVA a enfin pu réaliser un panorama du site entourant Philae. L’inclinaison du module et la nature de l’environnement rendent la lecture de ce paysage un peu complexe, nous vous proposons donc un décryptage avec l’aide de Jean-Pierre Bibring.

Lors de la conférence de presse de l’ESA du jeudi 13 novembre, le planétologue français Jean-Pierre Bibring, principal investigateur de CIVA, a présenté les 1eres images obtenues à la surface avec les caméras de cet instrument. Il s’agit d’images brutes ou rapidement traitées et elles seront retraitées dans les règles de l’art dans un second temps, mais elles ont le mérite de nous montrer l’environnement immédiat de Philae.

L’image brute de la caméra 1, CIVA-P regroupe 7 caméras miniaturisées disposées tout autour de Philae, montre l’extrémité de l’un des 3 pieds de l’atterrisseur et, dans le champ, on peut deviner quelques nuances dans le noir. En poussant fortement les niveaux, on voit apparaître une masse imposante qui domine Philae. Cette paroi, qui est probablement à quelques mètres, plonge l’atterrisseur dans l’ombre durant une grande partie de la journée, si bien que ses panneaux solaires les mieux orientés ne sont illuminés que durant près de 1,5 h par cycle de 12,4 h (la durée de rotation du noyau).

Image brute provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’un des pieds de Philae est visible au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’un des pieds de Philae est visible au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image fortement éclaircie provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Le pied de Philae est totalement surexposé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image fortement éclaircie provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Le pied de Philae est totalement surexposé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image rapidement prétraitée provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Le pied surexposé de Philae a été gommé au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image rapidement prétraitée provenant de la caméra 1 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Le pied surexposé de Philae a été gommé au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.

La deuxième image montre le ciel, ce qui prouve que l’orientation de Philae est loin d’être optimale. Il n’est pas parallèle à la surface avec laquelle seuls 2 de ses pieds sont en contact.

Dans la partie basse de l’image on voit le reflet du Soleil sur le baffle de la caméra et l’extrémité de l’une des 2 antennes de CONSERT. Des reflets occupent le reste du champ.

Image brute provenant de la caméra 2 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’extrémité de l’une des 2 antennes de CONSERT est visible, ainsi que les reflets du Soleil sur le baffle de la caméra. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 2 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’extrémité de l’une des 2 antennes de CONSERT est visible, ainsi que les reflets du Soleil sur le baffle de la caméra. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.

L’image suivante montre l’un des pieds de Philae et une autre paroi. Pour Jean-Pierre Bibring : « Cette image est extraordinaire parce que nous voyons une portion d’un engin fabriqué récemment par l’homme posé devant quelque chose qui a été fabriqué par la Nature il y a 4,6 milliards d’années, qui n’a pratiquement pas changé depuis et qui contient tous les mystères que nous cherchons à élucider ! »

Image brute provenant de la caméra 3 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’un des pieds de Philae est visible au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 3 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. L’un des pieds de Philae est visible au premier plan. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.

Sur l’image de la caméra 4, nous voyons une paroi brillamment éclairée par le Soleil et sa nature explique peut-être pourquoi Philae a rebondi : « Nous pensions que nous allions nous poser sur une surface relativement poussiéreuse et souple, a expliqué Jean-Pierre Bibring, et nous ne comprenions pas comment Philae avait pu rebondir 2 fois. Mais, en voyant ce matériau qui semble très dur, on comprend que Philae a pu rebondir fortement dessus, comme sur un trampoline. »

Image brute provenant de la caméra 4 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Cette paroi semble constituée de matériaux très durs. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 4 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014. Cette paroi semble constituée de matériaux très durs. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.

Les 2 images suivantes ont été prises quasiment dans l’obscurité. Il a fallu les éclaircir énormément pour parvenir à voir des détails. Jean-Pierre Bibring a précisé que le temps de pose sera fortement augmenté pour les prochaines images de cette zone, car le champ couvert par la dernière image est celui des 2 caméras stéréoscopiques de CIVA-P. Avec des images contenant plus de détails il sera sans doute possible de reconstruire la topographie en 3D et d’obtenir la dimension exacte et la distance des éléments visibles.

Image brute provenant de la caméra 5 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014 quasiment dans l’obscurité. Le niveau de luminosité a été très fortement poussé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 5 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014 quasiment dans l’obscurité. Le niveau de luminosité a été très fortement poussé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 6 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014 quasiment dans l’obscurité. Le niveau de luminosité a été très fortement poussé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.
Image brute provenant de la caméra 6 de CIVA ; prise le 13 novembre 2014 quasiment dans l’obscurité. Le niveau de luminosité a été très fortement poussé. Crédits : ESA/Rosetta/Philae/CIVA.

En disposant toutes ces images autour de Philae, on obtient le panorama qui serait visible par une personne qui se tiendrait sur le toit de Philae et qui tournerait sur elle-même.

Pour visualiser cela, Jean-Pierre Bibring et ses collègues ont ajouté une représentation de l’orientation de Philae au centre du panorama. L’atterrisseur est pratiquement vertical par rapport à la surface, avec un pied dans le vide et 2 pieds en contact avec le sol.

Une tentative de forage

Vendredi, la pile de Philae étant bientôt vide, les responsables de la mission ont décidé d'utiliser l'énergie encore disponible pour essayer de forer la surface et recueillir un échantillon à analyser avec COSAC.

Philippe Gaudon (chef de projet Rosetta au CNES) expliquait : « On a vu (dans les données reçues) le début du fonctionnement de la foreuse. On a vu la mèche descendre de 25 cm depuis la plate-forme. Le mécanisme a donc fonctionné, mais, malheureusement, nous avons perdu la liaison et nous n'avons plus de données concernant la foreuse. » Philae a peut-être basculé en réaction à l’action du forage sur la surface ?

Une nouvelle tentative de communication avec Philae doit avoir lieu vendredi soir. Si elle se produit, il faut espérer que la pile délivrera encore suffisamment de puissance pour que les données scientifiques soient intégralement transmises.

 

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta sera la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.